Hommage à nos libraires associés

(Billet doux)

« C’était un bonheur, mais c’était juste » : Poète anonyme

Je suis sincèrement admiratif de l’impeccable travail abattu, depuis 4 ans, par nos amis : cette remarquable captation de l’héritage rimbaldien laissé malencontreusement (mais heureusement !) en déshérence par ses héritiers putatifs. On comprend que ceux-ci soient aujourd’hui légèrement furax.

Il y a 4 ans (et même un peu moins), nos libraires étaient – tout comme moi – des béotiens en Rimbaldie (sans passeport, ni carte routière du pays, n’ayant pour tout baluchon que quelques bribes de langage ânonnées sur les flancs de l’école), de vrais sans-papiers, que la première police de caractère venue pouvait sans remords toiser d’un regard peu amène. 

Or les voici, aujourd’hui, devenus les arbitres des élégances de ce pays mythique, baguenaudant par-ci, devisant par-là, jugeant par devant, tranchant par revers, d’Arthur Rimbaud, de sa sœur, de sa mère, et tutta la famiglia

Et pour quelle raison ? Pour avoir un jour trouvé, dans le double fond d’une boîte à chaussures, une photo qu’ils ont crû, puis décrété, être une photo d’Arthur. Les paradeux sauvagement pouvaient bien s’étouffer d’enragement, nos amis avaient mis la main, puis le pied, sur la clef qui ouvrait la serrure ! 

Du moins le croyaient-ils alors, et peut-être le croient-ils encore ? Alors qu’il n’est, en ces contrées mythiques, ni clef à trouver, ni serrure à forcer, mais seulement des êtres (individus, médias…) de chair et de rêves, à séduire et à emporter. 

Que Rimbaud soit, réellement ou non, sur la photo se révèle – avouons-le – franchement secondaire. Lâchez dans les médias, le nom à deux syllabes, la plume froufroute sur le papier, les doigts clavecinent sur le clavier, et l’imagination fait le reste. Le premier contradicteur venu sera vu comme un gâcheur de première. 

Ce n’est sans doute pas un hasard si le premier conquis ne fut rien moins que le biographe préféré du poète. Il voyait enfin (ou croyait voir) le Graal tant attendu. Ce vieux pot des meilleures soupes. Le chaînon manquant de sa quête biographique, œuvre superlative de toute une vie. Et il accepterait sans barguigner que des hurluberlus qui n’ont pas gratté 2 pages sensées sur son héros, lui conchie (svp, prononcez « ratiocine ») son rêve ?! 

Jean-Jacques LEFRÈRE, légende

Affirmons-le aux lents d’esprit du marigot rimbaldien : les lointains cousins vous ont piqué le magot ! Nos amis libraires sont aujourd’hui les exécuteurs testamentaires officiels de l’héritage. 

Et pour exécuter, ils exécutent ! 

Comptez-vous !  
– Jacques BIENVENU sommairement expédié de quelques coups de guillemets bien appuyés, 
– DéDé les chaussettes, qui en a perdu la tête (et non l’inverse),
– JEANCOLAS, MOIX, et tant d’autres que j’oublie, 
– et même (aussi incroyable que cela paraisse, tant l’homme est pacifique), ce fut, tout récemment, le tour d’Alain BARDEL, dont les libraires posèrent (ô certes avec délicatesse !) la tête sur leur billot, sous prétexte (qui est dupe ?) d’une vague histoire de portrait d’AR faussement attribué à Fernand LÉGER. Nouvel écran de fumée. 

Nos amis font le ménage dans la ménagerie ! En quatre ans, ils sont devenus quelque chose comme les ambassadeurs patentés de la Rimbaldie, les seuls experts compétents à démêler le vrai du faux ( vraie oreille, faux Léger), les apparences des faux-semblants (aubade du lys à la verrue ?) sur tout ce qui concerne, de près ou de loin, Aden ou Rimbaud. 

Il n’est dorénavant donc plus besoin pour eux de revenir sur cette photo d’Aden qui les lança. On ne ressort pas de la poche son vieux ticket d’entrée froissé quand on a table ouverte au royaume d’Arthur. 

Ce serait maladroit. Et même une faute de goût.

Circeto (27/06/2014)

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