RIMBAUD : Ce portrait qui nous émeuhhhh !

« Quand l’ombre bave au bois comme un mufle de vache » : A. RIMBAUD.

Sans doute est-ce pour achever en beauté 2015 (putain d’année !), que Franck FERRAND nous livre, sur le site de Paris-Match, une « version du pauvre » de l’éternelle historiette du portrait retrouvé du maudit poète. 

Malheureusement, n’est pas Jean-Jacques LEFRÈRE qui veut ! 

Devant le portrait ici présenté, l’on ne sait d’abord s’il faut rire ou pleurer, ou plus utilement conseiller au découvreur – et à son thuriféraire – d’aller consulter de toute urgence un ophtalmo (début de DMLA ?).  

Même si LEFRÈRE s’est en définitive tout autant trompé, du moins son RIMBAUD  d’Aden offrait-il une possible ressemblance avec le poète, un visage acceptable pour défendre sa thèse. 

Or point de tout cela, ici ! 

Cet homme ressemble en effet plus à mon trisaïeul (Antoine RAMBAUD – dit Circetaud), photographe professionnel à ses heures, qu’à Arthur RIMBAUD, poète aux siennes.

« Quel regard ! » : s’exclame Franck FERRAND, d’évidence encore tout émerveillé des agapes du réveillon. Pour cette (seule) raison, nous lui pardonnerons volontiers cette faute de goût et ce faux-pas. Petit détail, notons que la personne exhibant à l’image la photocarte a préféré enfiler des gants afin de ne laisser aucune empreinte compromettante ! Comme nous la comprenons ! 

Les personnes ayant quelque peu suivi l’histoire du soi-disant portrait de RIMBAUD à Aden, retrouveront ici, traits pour traits, les inévitables travers, biais de présentation et autres amalgames qui, à l’époque, parsemaient les articles (foutrement plus copieux) de Jean-Jacques LEFRÈRE et de Jacques DESSE. On peut même parler de véritable copié-collé, tant pour le fond que sur la forme. Pastiche ?

Comme un petit quelque chose de « déjà-vu »…

Qu’écrivaient donc, en 2010, les libraires DESSE et CAUSSÉ, à propos de leur photo d’Aden ? Quel élément de pure subjectivité présentaient-ils comme facteur déclenchant de leur réflexion : le fameux regard déjà-vu ! « L’intensité de son expression, ce regard sans aménité nous rappelle quelqu’un ». Même formulation dans l’article de FERRAND : « Ce regard, Carlos est à peu près certain de l’avoir déjà vu. Mais où? »

Ce regard unique … (et, petit plus ici, le nœud de cravate idem).

FERRAND poursuit alors sur la veine  pierre-bellemaresque qui fait son succès radiophonique : « Regard étrange. À la fois profond et absent. Vague et pénétrant. Le regard lointain d’un visionnaire, ou bien d’un voyageur… Soudain, le cœur de Carlos se met à battre à tout rompre (mince, il va aussi falloir consulter le cardiologue). Et si ce regard singulier, envoûtant, ce regard qui le hante depuis des jours maintenant était celui de l’homme aux semelles de vent  ?». C’est beau comme du VERLAINE !

Dans un style (aisément) moins grandiloquent, LEFRÈRE évoquait : « celui qui est assis sur la droite (…) attire l’attention, tant par la singularité de son attitude que par l’intensité de son expression » et qualifiait déjà ce regard d’absent, etc.

Quelle dose de naïveté faut-il donc garder pour croire qu’à toute heure, en toute circonstance, un poète se doit de présenter au monde un infrangible et inoubliable regard de poète ?  

Nous passerons, sans nous y arrêter plus que cela ne mérite (lire tous les articles précédents, car là également le copié-collé suffit), sur les inévitables pseudo recherches, expertises à la mords-moi le nœud et autres billevesées à deux balles étayant l’argumentation (?) développée (?) par Carlos LERESCHE et reprise en bloc (de foie gras ?) par Franck FERRAND. Les inévitables portraits superposés, les experts en tout et en rien, spécialistes de GREUZE, Dame CARTIER-BRESSON de la maison de la photographie, Sieur BERTILLON et son gendarme assermenté, sans oublier le dorénavant incontournable expert en analyse biométrique et anthropomorphique (Brice POREAU, et son e-pied à coulisse, enfin sauvé des eaux ?). 

Pas de doute !
Même angle de prise de vue, même port de tête.
L’ado a juste grandi.
Comme son noeud pap’ !

Dépassons à présent le bla-bla, les écrans de faux savoirs et de vraie fumée de ces articles d’un jour, aussitôt lus, aussitôt repris – sans vérification – par les confrères (ici Le Figaro qui n’en est pas à son galop d’essai), et tout aussi vite jetés. 

Venons-en à l’essentiel ! Arthur RIMBAUD peut-il ou non être dans l’album de photos de Liane de Pougy ? Voilà, en effet, la vraie question, la seule question ! Celle qui, une fois résolue, nous fera prendre en considération, ou non, l’hypothèse défendue par Franck FERRAND (journaliste spécialiste d’histoire), celle qui tant fait bondir le cœur de Carlos LERESCHE.

L’auteur de l’article reconnaît, en effet, que 2 initiales (AR) constituent tout de même un indice un peu faible, quoique « bienvenu » (excellente private joke !), pour identifier le poète à la culotte au large trou et aux élastiques contre son cœur. 

Et là, il n’est nul besoin d’être spécialiste du maudit poète ou de la grande horizontale pour comprendre l’impossibilité d’une quelconque rencontre de RIMBAUD et de l’hétaïre. Quelques dates de leurs biographies respectives suffisent en effet pour balayer, d’un revers de main gantée de blanc, cette hypothèse. 

Comment, sinon sous l’influence mal dissipée de tenaces petites bulles champenoises, avez-vous pu, Monsieur FERRAND, laisser échapper ces quelques lignes :  » On ignore comment il aurait rencontré Liane qui, à 22 ans, a déjà tous les hommes à ses pieds. Lors de quel départ, de quel retour, de quel transit parisien, il conviendrait de le situer« .

Authentiques pieds, pointure 37 1/2 (le matin), de Liane de Pougy

N’était-ce donc pas précisément de ce côté qu’il aurait fallu commencer la recherche ? Arthur RIMBAUD quitte la France, en 1879, pour Chypre, puis Aden et l’Abyssinie. En 1879, Liane de Pougy (de son nom de paix, Anne-Marie CHASSAIGNE) a 10 ans !  Oui : 2 fois 5 ! Vous conviendrez qu’il y a donc peu de chances que la pitchoune, même plus éveillée que la moyenne, possède alors une photo d’Arthur (parfait inconnu), au chaud, dans son livre de messe. Or RIMBAUD ne remettra les pieds (surtout le gauche), en métropole, qu’en mai 1891. Il n’y a en effet, Monsieur FERRAND, ni allers, ni retours, ni transits d’Arthur R., en France, entre 1879 et 1891. Tout biographe du poète (de ce monde ou de l’autre) vous le confirmera aisément. 

Certes, en 1891, Anne-Marie (qui a 22 ans) devient Liane de Pougy, la coqueluche de la plaine Monceau et du Bois réunis, mais cette année-là, bêtement, RIMBAUD (inconnu du grand, comme du demi-monde) sera trop occupé à mourir pour se soucier d’autre chose. 

A sa décharge, il n’avait jamais eu, sa vie durant, un excellent sens des priorités, ni su rouler dans la bonne ornière. Sans doute est-ce pour cela qu’il n’a jamais pu devenir journaliste. 

Circeto (03/01/2016)

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